Les mamies loto bingo, Micheline Tremblois et Marie-Claude Pezotta
Deux retraitées sont poursuivies pour avoir organisé 240 loto caritatifs dans des villages de la Marne, mais qualifiés d’illégaux par les douanes.
Micheline Tremblois et Marie-Claude Pezotta accusées de lotos bingos clandestins par les douanes
Peut-on être poursuivi pour une œuvre de bienfaisance ? La question paraît absurde.
C’est pourtant ce qui est arrivé à deux retraitées, rappelées à l’ordre par la justice parce qu’elles avaient organisé un nombre impressionnant de loto à vocation caritative dans le département de la Marne.
Micheline Tremblois et Marie-Claude Pezotta, ces deux bienfaitrices âgées respectivement de 75 et 63 ans, étaient connues dans un rayon de plusieurs villages alentour pour mettre régulièrement en place des loto à Treslon, jeux dont elles ne retiraient aucun bénéfice.
Ces deux femmes, dont l’une des deux est grand-mère, sont accusées par les douanes d’avoir ouvert des cercles de lotos bingos clandestins, sans avoir opéré de comptabilité ni déclaré leurs recettes.
Par ailleurs, le Tribunal Correctionnel leur reproche de ne pas avoir payé l’impôt qui s’applique aux établissements de jeux d’argent.
Celles que les habitants de la région Champagne-Ardenne ont surnommées à juste titre les mamies loto, encourent chacune une amende susceptible d’atteindre 150.000 €uros.
Or, les deux Marnaises organisaient ces tournois de loto bingo sans aucune arrière-pensée autre que de faire le bien autour d’elles.
La somme qui leur sera peut-être réclamée paraît donc complètement disproportionnée en regard de l’intention de Micheline Tremblois et Marie-Claude Pezotta, dont on penserait au contraire qu’elles mériteraient d’être récompensées pour leur bonne action.
Comment les deux mamies loto en sont-elles venues à être poursuivies pour avoir commis une infraction à la législation concernant les jeux d’argent ?
Jean Roger, leur avocat, explique que le but de ces deux femmes était, en premier lieu, de divertir les personnes âgées de l’Ardennais et de la Marne qui vivaient dans des villages peu fournis en animations.
A cette fin, Marie-Claude Pezotta et Micheline Tremblois avaient créé une association au titre parlant, “ Bingo cœur vaillant ”.
Tandis que Micheline Tremblois était trésorière de cette association loi 1901, sa comparse s’occupait du secrétariat.
Le problème est que, selon la règle, les associations caritatives ne sont pas autorisées à organiser plus de trois loto bingo chaque année pour leur propre compte.
Or les mamies loto sont progressivement devenues de véritables managers en la matière: en moyenne, deux sessions avaient lieu chaque semaine.
Les douanes françaises restent impassibles devant les arguments des Mamies Loto
Les douanes ont fait le compte et ont abouti à la conclusion que nos retraitées avaient enregistré, entre le début du mois de juin 2007 et la fin du mois de mai 2010, près de 467.000 €uros de recette.
Ce chiffre impressionnant correspond à 240 rendez-vous de loto bingo donnés dans les villages de la Marne, ce qui fait une moyenne de 80 sessions sur trois ans: on est bien loin des 3 permises par la loi par année !
L’avocat de Marie-Claude Pezotta et Micheline Tremblois confirme que ses clientes étaient en connaissance de cette réglementation.
Mais elles auraient respecté la loi en ne mettant pas en place plus de trois sessions par année pour chacune des associations auxquelles elles reversaient les bénéfices.
Les douanes, pour leur part, ne tiennent pas compte de la bonne foi des deux accusées.
Elles jugent que Micheline Tremblois et Marie-Claude Pezotta avaient été suffisamment averties pour être conscientes de ce qui les menaçait.
Mais l’avocat des mamies loto bingo rétorque que seules deux lettres à contenu uniquement informatif et remontant à 1995 et 2007, leur avaient été envoyées.
Jean Roger va jusqu’à affirmer que ce sont les scrupules trop prononcés des deux Marnaises qui les ont conduites à se faire poursuivre par les douanes.
En effet, ce serait Marie-Claude Pezotta en personne qui aurait demandé à obtenir une entrevue pour s’assurer auprès de l’administration qu’elle et son amie pouvaient avoir droit à un local dédié à leur association “ Bingo cœur vaillant ”.
La retraitée souhaitait aussi savoir si elle serait autorisée à vendre dans ce local des boissons sans alcool en étant bien conforme aux exigences de la loi.
Or, ce rendez-vous aurait connu une issue positive: les mamies loto bingo se seraient vu délivrer une licence I pour leur association caritative.
Au cours de l’entretien avec l’administration, aucun fonctionnaire n’aurait averti Marie-Claude Pezotta qu’elle contrevenait d’une quelconque façon à la loi avec ses organisations de bingo à haute fréquence.
Or, seulement quelques loto bingo après, les douanes ont pénétré dans le local qui avait été attribué à l’association pour une perquisition.
Cette dernière a donné lieu aux poursuites en question, à propos desquelles le Tribunal Correctionnel de Charleville-Mézières donnera son verdict.