Bilan du marché des jeux en ligne en France, une catastrophe ?
Les paris sportifs en déroute, le poker en descente vertigineuse et les jeux de casinos très attendus par les opérateurs de jeux.
Une loi bâclée qui engendrent des déficits chez les opérateurs de jeux agréés
Les statistiques établies au sujet du marché français des jeux online prouvent qu’entre le premier et le second semestre de 2011, la situation n’a pas évolué : le chiffre d’affaires global est resté le même.
Chose plus pessimiste, seuls 1,3 million de joueurs sur les 3,4 millions inscrits lors de l’ouverture du marché demeurent actifs.
Pour être plus précis, le montant consacré aux paris sportifs a chuté de 248 à 147 millions, en parallèle d’un nombre de joueurs devenu trois fois inférieur par rapport au début.
Pour le poker, le bilan est déjà plus positif puisque le lancement de cette catégorie de jeu a connu un fort soutien médiatique, avec 25 opérateurs en concurrence qui regroupent au total près de 320.000 joueurs.
Cependant, le nombre de joueurs et la hauteur des mises semblent ne plus vraiment progresser et ce serait peut-être l’amorce de la baisse du poker en France.
C’est finalement le secteur des paris hippiques qui s’en tire le mieux : son chiffre d’affaires est passé de 600 millions en 2009 pour le PMU à 925 millions d’€uros aujourd’hui.
On remarque ainsi que la législation très stricte nuit considérablement à la viabilité du marché, notamment pour le poker et les paris hippiques, et que le secteur le plus en difficulté est celui des paris sportifs.
Par conséquent, une quantité non négligeable de gros joueurs préfèrent tenter leur chance sur les sites non agréés par l’Arjel, autrement dit illégaux aux yeux de la loi. Nombre d’opérateurs sont donc dans une situation précaire.
En ce qui concerne les paris hippiques, seul ZEturf semble être en mesure de faire face à l’écrasant PMU. Le bilan est moins alarmant pour les sites de poker en ligne, dont ceux qui ont les plus grandes probabilités de survie sont ceux-là même qui possèdent leurs propres réseaux.
On pouvait pourtant saluer, au départ, l’instauration d’une législation sur le marché des jeux en ligne en France, destinée à priori à lutter contre l’addiction et à offrir aux joueurs de l’hexagone une offre sécurisée.
Or, les contraintes présentées par l’Arjel se sont révélées inadaptées aux exigences des joueurs mais aussi des opérateurs, qui n’apprécient pas l’interdiction de certains jeux comme les machines à sous ni l’imposition d’une fiscalité importante. Mise à jour : L’ARJEL demande à l’Etat de revoir la fiscalité sur le poker et les paris sportifs.
Le problème est qu’en raison de cela, 800.000 joueurs ont préféré se tourner vers les sites étiquetés comme illégaux, selon les chiffres de l’Ipsos.
Les opérateurs sont ainsi privés de 30 % de part de marché, d’où leur position délicate. Mise à jour : plus de 45% des joueurs français de poker se tournent vers les sites non agréés.
S’il est certain que la loi française sur les jeux en ligne permet d’offrir un espace de jeu hautement sécurisé, qu’en est-il du problème épineux de l’addiction ?
Il est pour l’instant difficile de résoudre cette question sans réel recul sur le phénomène ; néanmoins, des chercheurs britanniques ont démontré que le pourcentage total des joueurs compulsifs (online et terrestres) n’avait pratiquement pas fluctué, bien que l’offre soit nettement plus libérale qu’en France pour les joueurs anglais.
Comme on l’a vu, des centaines de milliers de joueurs ont déjà migré vers des sites de jeu d’argent illégaux.
Certes, l’Arjel a permis de réduire considérablement la proportion de joueurs adeptes de ces sites, autrefois située aux alentours de 2 millions de personnes, mais les joueurs insatisfaits de la loi française pour les paris sportifs et le poker peuvent continuer à la contourner aujourd’hui.
En effet, il est impossible de bloquer tous les sites illégaux qui officient depuis l’Europe, voire de pays exotiques complètement hors de portée de la Commission Européenne.
Pour rapatrier les joueurs fuyards, il apparaît primordial que la législation française se mette à autoriser certaines catégories de jeux jusqu’alors prohibées.
Si l’on s’intéresse de plus près aux différents jeux en ligne que propose l’offre légale française, il est aisé de comprendre le déclin des paris sportifs.
De fait, les causes de ce relatif échec sont les suivantes : non seulement les sites français permettent de parier sur un panel de sports réduit, mais les types de paris ne sont pas aussi diversifiés que sur les sites illégaux, qui offrent de surcroît un taux de retour aux joueurs bien plus intéressant.
De plus, le football étant à l’origine du plus grand nombre de paris, le fiasco rencontré par l’équipe française de football n’a pas arrangé les choses.
Les opérateurs français certifiés sont dès lors condamnés à utiliser la plus grande part de leurs revenus pour garder leurs joueurs et faire face aux groupes concurrents.
Pourquoi alors ne pas ouvrir le marché des jeux en ligne français aux sites de casino ?
Il a été démontré que le mot “casino” avait été tapé 1,8 million de fois chaque mois dans le fameux moteur de recherche Google, et ce seulement pour la France.
En Italie, l’introduction récente des jeux de casino en ligne sur le marché a connu une croissance exponentielle et fait notamment des émules chez les femmes.
L’adaptation de la législation française aux attentes des consommateurs semble donc plus qu’urgente pour aider le secteur des jeux en ligne à renaître sous de meilleurs auspices.
Outre les solutions possibles voire nécessaires que nous avons esquissées, il apparaît aussi incontournable de modifier les contraintes de fiscalité et de pourcentage de redistribution pour relancer le marché français.
Certains spécialistes, comme le Sénateur François Trucy et l’Association Le Geste, ont proposé de taxer non plus les mises, mais le produit brut des jeux (c’est-à-dire le chiffre d’affaires) des opérateurs.
Par ailleurs, les sites de jeux français feraient bien d’aligner leur taux de retour aux joueurs sur celui des sites étrangers, qui en proposent souvent autour de 95%, contre 85 % dans l’hexagone à l’heure actuelle.
Pour chaque catégorie de jeux, il serait intéressant de proposer un éventail de variantes et de types de mises plus diversifié.
Tout dépend donc maintenant de la clause de revoyure, dont on espère qu’elle modifiera le paysage français des jeux en ligne.
La France aurait tout intérêt à se calquer sur le modèle italien, qui a su s’adapter avec brio aux attentes de ses joueurs qui avaient tout en commun avec les exigences actuelles de leurs voisins français.
Dans le cas contraire, l’avenir du marché français des jeux en ligne s’annoncerait bien sombre, si ce n’est voué à l’échec.
Mise à jour :
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