Jean-Pierre Martignoni, sociologue, son avis sur les jeux en ligne et sa fiscalité
Jean-Pierre Martignoni, sociologue, constate que « dans le secteur des jeux en ligne, trop de réglementation peut tuer la réglementation, voire même tuer le secteur réglementé ».
Réflexions du sociologue Jean-Pierre Martignoni
A l’approche de la mise en application de la loi du 12 mai 2010, les différents acteurs tels que Lamour / Filippetti, l’AFJEL (Association Française des Jeux En Ligne) ou l’ARJEL (Autorité de Régularisation des Jeux En Ligne), adressent au Gouvernement leur position et leur proposition de solutions en rapport avec la réglementation des jeux en ligne.
Jean-Pierre Martignoni, sociologue, constate que « dans le secteur des jeux en ligne, trop de réglementation peut tuer la réglementation, voire même tuer le secteur réglementé ».
La réglementation des jeux en ligne fortement fiscalisé :
En effet, le sociologue démontre que cette loi sur la réglementation des jeux en ligne n’a pas été obtenue par des recherches ou des expertises, mais par une vision politique ayant pour concept « l’ouverture maîtrisée » alors qu’elle apparait par différents aspects sous la forme de « fermeture maîtrisée ».
Dès lors, les opérateurs demandent la modification de cette loi avant « la clause de revoyure » qui aura lieu en novembre prochain. Jean-Pierre Martignoni pense que la principale difficulté réside dans la mise en place d’une forte fiscalité avant même de savoir si ce nouveau secteur allait devenir le nouvel eldorado.
En se souciant de remplir ses caisses, l’Etat ne prend pas en compte le lien entre la croissance et la fiscalité.
Toutefois les raisons de ce fiscalisme n’ont pas été ouvertement avouées ; l’Etat se donne bonne conscience en taxant « l’Economie du vice ».
Malheureusement, le secteur des jeux en ligne n’est pas en pleine croissance. Les principaux acteurs recommandent de revoir cette fiscalité à la baisse (comme le préconise également Le Geste) pour que ce secteur puisse se développer et créer ainsi une réelle concurrence.
De plus, le plafonnement du TRJ (Taux de Retour aux Joueurs) a été imposé à 85 % alors qu’aucune recherche n’a été menée.
Une totale liberté en matière de TRJ aurait permis une véritable concurrence mais aussi une lutte plus efficace contre les sites illégaux.
Pour justifier ce plafonnement, Eric Woerth, ex-Ministre du Budget, a dénoncé qu’un TRJ élevé augmenterait les addictions et le jeu compulsif. Pour lui, il était préférable de redistribuer le moins possible aux joueurs et ainsi éviter leur addiction aux jeux.
Certains acteurs dont la FDJ (Française Des Jeux) ont été scandalisés pas ses propos. Pour mettre un bémol à ceux-ci, seul le sénateur Trucy est intervenu.
Evolution des taxations :
Après la taxation des mises, une taxation sur le PBJ (Produit Brut des Jeux), Jean-Pierre Martignoni s’étonne que les décideurs et les régulateurs aient découvert après la création de la loi qu’il fallait taxer le PBJ et non directement les mises.
L’absence de recherches et d’expertises montrent une fois de plus que le Gouvernement et les protagonistes n’ont pas prévu à long terme alors que « Gouverner c’est prévoir » !
La mise en place tardive du CCJ (Comité Consultatif des Jeux) a aussi aidé à l’aveuglement des décideurs.
Jean-Pierre Martignoni n’a pas la prétention d’accuser les différents acteurs, notamment l’ARJEL qui ne fait qu’appliquer les choses, mais plusieurs questions lui semblent fondamentales :
- L’industrie des jeux de hasard et d’argent est-elle compatible avec la notion de jeu responsable ou de lutte contre le jeu excessif ?
- Le Gouvernement ne s’est-il pas pris à son propre piège en voulant taxer et règlementer fortement le secteur alors que la FDJ a joué sur l’incitation au jeu accrue pour mieux contrôler le jeu pathologique ce qui l’oblige à revoir sa réglementation ?
Une politique de jeux en ligne basée sur des faits objectifs :
Pour le sociologue, les pouvoirs publics devraient sérieusement mettre la recherche et l’expertise en premier plan pour que le CCJ puisse émettre des propositions valables en se basant sur des faits réels et non plus sur un arbitrage subjectif.
Cela aura pour but de lutter contre les difficultés que rencontre le secteur des jeux en ligne tels que le jeu pathologique, associations ou opérateurs privés et publics qui mettent en avant leurs intérêts propres et non pas l’intérêt général.
Mais aussi, l’accès à une politique cohérente des jeux en ligne avec l’étude de toutes les conséquences avant la prise de décisions.
De plus, il se demande s’il ne faudrait pas inciter les millions de joueurs qui restent les principaux acteurs de ce secteur à devenir actifs dans la Politique des jeux ?
Cependant, est-ce à l’Etat d’avoir un rôle de régulateur, en régulant économiquement ce secteur et en s’appuyant sur une forte fiscalité ? Mais est-ce, aussi, son rôle de promouvoir les jeux en ligne ?
L’Etat ne devrait-il pas redéfinir les rôles, les missions et les compétences de chacun pour une réglementation plus claire et mieux définie ?
Pour l’instant, la situation ne fait que se complexifier, se qui contribuera à l’échec économique et social de ce rôle de régulation. Il est d’une urgence avérée que l’Etat revoie ses positions selon Jean-Pierre Martignoni…
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